Art Genève

25 - 28 January 2024 
D33

LAMENTATIONS

Anjesa Dellova (Kosovo – 1994)

 

La série d’œuvres proposée par Anjesa Dellova trouve ses origines dans une réflexion autour de la représentation du rituel funéraire collectif masculin pratiqué au nord de l’Albanie, intitulé Gjama. Après une première série de peintures présentée dans le cadre du Prix Kiefer Hablitzel & Göhner 2022, et d’une seconde itération pour une exposition personnelle à Mayday, Anjesa continue son exploration sur les lamentations. Dans ce troisième volet, elle ne tente plus uniquement de représenter ce rituel funéraire. Les dix-sept toiles exposées à Artgenève sont une réflexion élargie sur les lamentations en elle-même : qu’est-ce que se lamenter et qui lamente-t-on ? À qui s’adresse-t-on lorsqu’on se lamente ? À un mort ? Un peuple ? Au monde entier ? Comment représenter la souffrance ? Quelle forme prend la douleur ?

 

Le travail d’Anjesa Dellova explore les thématiques de la représentation et de la mémoire, du corps parfois désarticulé et de ses gestes, de la famille et du visage de l’autre en tant qu’apparition. C’est à travers sa technique picturale qu’elle exprime cette fragilité : une peinture en monochrome, traitée par « frottage », qui consiste en une application sèche de la peinture à l’huile en frottant, avec très peu de matière, sur la surface rugueuse de la toile apprêtée au préalable en blanc. Cette surface immaculée devient un espace indicible. Par le biais de sa technique épurée et de son geste pictural, les sujets perdent leur individualité, les éléments sont altérés, et les corps apparaissent déstructurés et flottants, se confondant avec le fond.

 

Ce geste pictural est directement lié à cette nouvelle série. Dépassant une tentative de représentation de la mort, c’est la question du geste, une crise de la présence, la question de la forme qui l’intéresse. Rythmée par des titres en onomatopées, chaque peinture évoque l’une après l’autre un son, un soupir, une blessure. L’accrochage et l’ensemble des peintures ont été pensés comme une ouverture, frontale, amenant le spectateur à entrer dans le creusement de la fosse, se baisser, se soulever, en somme à être déplacé, à trouver le geste « juste » face à ces lamentations.

 

 

 

 

 

 

Anjesa Dellova est une artiste suisse basée à Lausanne. Son travail a été récompensé en 2022 du prix Kiefer Hablitzel & Göhner, puis de la Bourse Alice Bailly en 2023. Durant ses études de Bachelor   à l’ECAL en Arts Visuels, dont elle sort diplômée en 2017, elle expérimente divers mediums dont la   photographie, la vidéo et la peinture. Elle décide par la suite de se consacrer pleinement à sa pratique picturale et obtient en 2020 son Master en Art Visuels à la HEAD.        En 2023, son travail a été exposé au Centre d’Art Contemporain d’Yverdon dans le cadre de l’exposition « Peintres, une exploration de la peinture contemporaine en Suisse romande », à la Kunsthalle de Zurich pour la Zurich Biennale, et également à la galerie Nationale de Pristina au Kosovo. Son travail fera l’objet d’une exposition au Musée Jenisch de Vevey fin 2024.